Juliette regarda Elena avec un peu, ou plutôt beaucoup, d'inquiétude. Elle savait que c'était une étape à passer, que c'était obligatoire, qu'elle n'était même pas obligé de regarder quoi que ce soit et qu'elle pouvait directement annoncer son envie d'avorter. Car elle allait avorter, pas vrai?
Elle ne comprenait même pas pourquoi c'était la mère d'Evy qui l'accompagnait. L'italienne avait toujours été si gentille avec elle et elle la soutenait comme une mère dans cette période où elle n'aurait pu être plus perdue. Elle aurait pu être avec Iris, ou avec Steven. Elle aurait aimé être en leur compagnie durant un moment comme ça. Mais non, elle avait l'impression d'être comme abandonnée par tout le monde. Et puis, sa mère. Elle ne songeait même pas à lui en parler.
Enfin... Cela ne servait à rien de tant s'interroger. Elle se leva donc afin de suivre Elena.

Les deux femmes s'installèrent face au bureau de la gynécologue. Celle-ci se plaça face à elles avant de prendre la parole.

- Bonjour Juliette. Je suis le docteur Talmo. Dis moi, c'est la première fois que tu viens chez un gynécologue ou pas ? Ça peut faire un petit peu bizarre parfois, quand on n'est pas habitués.

Cette femme était assez jeune, elle ne devait pas avoir plus de 35 ans, sa voix était douce et rassurante. C'était d'ailleurs pour cela qu'Elena y avait emmené l'amie de sa fille. Elle savait qu'elle saurait prendre en charge la roumaine.

Juliette avait pris place à côté d'Elena et n'avait pas encore osé regarder la femme qu'elle avait en face d'elle dans les yeux. Elle n'était pas à l'aise du tout et cela se voyait. Si elle n'était pas obligée d'être là, elle serait partie en courant. Au lieu de cela, elle jouait frénétiquement avec un élastique.

- C'est la première fois... répondit-elle d'une petite voix sans pour autant relever la tête.

Une nouvelle fois, la jeune femme adressa un sourire à sa patiente. D'une voix la plus douce possible, elle tenta à nouveau de rassurer l'adolescente déboussolée tandis qu'Elena avait posé sa main sur la cuisse de la fille de son amie en y faisant doucement glisser son pouce.

- Oh je comprends. Ne t'en fais pas, ça devrait bien se passer. Dis moi, est-ce que tu as déjà eu des rela... elle s'arrêta, se rendant compte de la stupidité de sa question. Certes, elle était encore jeune, mais une grossesse n'aurait pas pu arriver par magie. D'ailleurs, la Baylor elle aussi la fixait avec un air interrogateur N'importe quoi ! Pardon. Hum... du coup...  

Juliette semblait de plus en plus gênée face à cette femme, sa question idiote, d'ailleurs, ne l'aidait pas à se détendre. Cependant, elle redressa la tête et lança un regard interrogateur à la spécialiste, sans pour autant décocher un mot, tout en posant sa main sur celle d'Elena. Elle avait bel et bien besoin maternel. Habituellement, c'était Iris qui prenait cette place. Quelques fois sa mère. Mais ce jour-là, elle l'aurait pris de n'importe qui.

Elena finit par attraper la main de Juliette, ne sachant que dire. La gynécologue cherchait encore ses mots, elle souhaitait rattraper comme elle le pouvait son erreur, ce qui était bien mal parti

- J'aurais voulu savoir si tu avais de bonnes relations avec le père. Dans tous les cas, saches que tu auras toujours la possibilité d'avoir de l'aide et du soutient. finit par demander la trentenaire, comme pour nuancer ce qu'elle venait de dire

La Turenko tiqua au mot "père". Père... Cela désignait Steven mais jamais elle n'avait vu les choses sous cet angle-là. Elle était enceinte, oui. Il l'avait mise enceinte mais, dans sa tête, il n'avait jamais été question qu'il soit père de quelque chose. Ou, en occurrence, de quelqu'un... Quelqu'un... Rien que le mot "père" lui faisait tout voir différemment. Un père, ça inclue un enfant. Et si ce qu'elle se persuadait être de simples cellules étaient en fait... un enfant? Enfin... un enfant en devenir mais, tout de même. Elle eut comme un frisson. En plus de cela, il n'était même pas là, le fameux père. Il la détestait au moment-même où elle avait le plus besoin de lui.

- On s'est disputé. Il est au courant de rien. lâcha la jeune fille d'une voix sans émotion.

Le docteur Talmo hocha la tête. Elle invita ensuite Juliette à s'installer. Une fois celle-ci en place, tandis qu'elle installait les différents éléments nécessaires à l'examen, elle continua à parler à sa patiente.

- Dis moi, est-ce que tu saurais me donner la date de tes dernières menstruations ? Ça me permettra de savoir à quel stade de ta grossesse tu es. expliqua-t'elle calmement

La roumaine avait posé son regard sur Elena, sûrement qu'elle la rassurait, étant le seul élément connu dans tout ce qui se déroulait. Elle se mit ensuite à réfléchir, quelques secondes, avant d'avouer:

- Mi-Novembre, je crois.

- Donc ça ferait environ 8 ou 9 semaines. D'accord.

La gynécologue continua son installation. Une fois terminé, elle se tourna à nouveau vers Juliette.

- Je vais t'appliquer un gel qui me permettra de faire l'échographie. Ça ne sera pas pas douloureux, simplement un petit peu froid. Et aussi, ne t'inquiète pas pour tes vêtements, ça ne fait aucunes tâches.

Elle accompagna son explication de gestes puis commença à observer ce qui se trouvait à l'intérieur de la jeune Turenko.

L'esprit de Juliette semblait vide et rempli d'interrogations en même temps. Elle écoutait d'une oreille distraite ce que lui disait la gynécologue et, quand l'examen débuta, elle ferma les yeux quelques secondes. Comme si se mettre ainsi dans le noir lui permettait de ne pas vraiment être là.
Cependant, bien vite, les interrogations furent plus fortes. 9 semaines, cela lui paraissait énorme. Qu'est-ce-que le docteur pouvait bien voir sur l'écran, à ce moment-là? Elle avait peur, mais elle ne pouvait pas rester sans savoir. Ainsi, alors qu'elle s'était promis de ne pas le faire et sans même bien comprendre elle-même son geste, elle ouvrit les yeux et tourna sa tête, afin de voir l'écran.

Elena n'avait pas lâché la main de Juliette. Elle fronça les sourcils quand elle se tourna vers l'écran, la blonde n'avait même pas vraiment regardé, elle n'avait pas vraiment osé...

- Bon, eh bien, tout m'a l'air bien. Est-ce que tu veux écouter le cœur ou pas ? suggéra la spécialiste tandis que la Baylor se penchait sur l'adolescente
- Tu n'es pas obligée tu sais, personne ne te blâmera. fit-elle d'une petite voix

Juliette étudia la proposition de la gynécologue durant quelques secondes. Le coeur? La preuve ultime que c'était vivant. Alors, si elle voulait s'en débarrasser, pourquoi écouter? D'autant plus qu'elle ne percevait pas tant de chose sur cet écran et qu'en refermant les yeux juste à ce moment, elle aurait pu facilement replonger dans les illusions dans lesquelles elle était depuis l'annonce de sa grossesse. Cependant, encore une fois, elle fut comme prise d'une pulsion qu'elle allait regretter, et elle hocha la tête.

Un petit "oh !" s'échappa de la bouche d'Elena quand Juliette demanda à écouter le coeur, ce coup là, elle ne s'y attendait pas. La jeune fille semblait vide d'émotions, ce qui inquiétait d'ailleurs la mère d'Evy. Elle se contentait de tenir de plus en plus fermement la main frêle de la Turenko quand le boum régulier se mit à résonner dans la pièce.

Il était très fort, et il ne s'arrêtait plus, ce boum-boum-boum-boum. Il signifiait beaucoup de choses. Beaucoup trop de choses que Juliette n'aurait pas voulu savoir, auxquelles elle n'aurait pas voulu penser. Mais c'était trop tard. Il lui semblait dorénavant qu'il ne sortirait plus jamais de sa tête, alors qu’étonnamment, elle était si loin qu'aucune larme ne venait trahir ses émotions. Elle se contenta de serrer un peu plus fort la main de l'italienne, le regard toujours posé sur cet espèce d'haricot affiché à l'écran.

- Tu es sûre que ça va Juliette ? insista la blonde qui s'inquiétait de plus en plus pour la jeune fille
- Je peux couper s'il faut. Et même tourner l'écran, ne te sens obligée de rien. ajouta à son tour la gynécologue qui voyait bien, dans son regard, qu'elle était perdue. C'est Elena qui, finalement, demanda à ce que le son soit coupé, ce que la spécialiste fit immédiatement

L'examen était terminé, la fin du supplice, enfin. Juliette avait pu se rhabiller et partir. Elena était prête à la ramener chez elle afin qu'elle puisse se reposer, néanmoins, la brunette avait préféré aller à la danse. C'est pour cela qu'elle accompagna la jeune fille pour qu'elle puisse récupérer ses affaires, puis la déposa à son cours. Elle en profita d'ailleurs pour prévenir sa fille du comportement assez inquiétant de son amie, lui demandant donc de faire attention à elle.

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