Évangéline entra dans la maison. Bien décidée à travailler et, coûte que coûte, à finir cet exposé. En realité, elle se demandait un peu comment avait-elle fait pour se retrouver avec Juliette plutôt que Mathilde. Enfin, au moins maintenant, elle savait pourquoi la jeune fille était si réticente à travailler. elle se tourna vers la Turenko.

- Tu veux qu'on travaille où ? demanda-t'elle directement

- Hum... Je sais pas. Peut-être dans la cuisine ou... la cuisine c'est bien.

Proposa la Turenko en pénétrant dans sa maison. Elle se retourna vers Evangéline et, discrètement, alors qu'elle était dos à un buffet, elle coucha une photo qui se trouvait dessus. Elle retira ensuite ses chaussures et sa veste puis aida sa petite soeur à faire de même.

- Elle rentre ce soir, Mamica? demanda l'enfant avec un petit sourire, en se dirigeant vers le salon.
- Je sais pas ma puce...

Évangéline retira à son tour ses chaussures.

- C'est mignon Mămica. remarqua-t'elle

Elle commença à avancer dans le salon, en direction de la cuisine avant de se rendre compte qu'elle n'avait aucune idées d'où était cette pièce. Elle s'arrêta donc et regarda Juliette et sa petite soeur.

- Ça veut dire maman en roumain ! On appelle toujours notre maman comme ça. expliqua la fillette avec un sourire avant de courir vers le salon pour se jeter sur le canapé.
- Tu regardes un peu la télé et après je t'aide à faire les devoirs, d'accord? demanda Juliette à sa petite soeur qui répondit par un "hin hin" avant d'allumer la télévision et directement mettre une chaîne de dessin-animé.

La Turenko regarda alors son amie et lui afficha un sourire qui pouvait paraître plus ou moins gêné. Elle se tourna et se dirigea ensuite vers la cuisine, avec son sac, en demandant à Evy de la suivre.

- Je savais pas que t'étais roumaine. Bref, on a presque fini si on se dépêche on aura fini dans moins d'une heure. affirma la brunette en s'installant à la table, elle sortit ensuite ses affaires de son sac

Elle regardait autour d'elle, cette maison lui paraissait bien vide, elle qui était habituée à sa maison pleine de photos au mur, sur les meubles, dans des boites... cela était un peu semblable à l'appartement de son père. Il y avait des photos de paysages et une photo d'elle dans le bureau où il avait l'habitude de travailler, peut-être une autre sur sa table de nuit, elle n'était pas sûre, par contre, il y avait quelques albums qui, eux, étaient plein d'images, il en avait même encore de son mariage. Évy aimait beaucoup parcourir toutes ces photos, elle pouvait y passer des après-midi entières. Elle espérait qu'il y avait quand même dans ce foyer quelques images...

- Ah bon? fit Juliette qui savait pourtant pertinemment qu'Evy ne le savait pas, car il fallait dire qu'elle détestait parler de sa famille ou de ses origines, cela lui rappelait beaucoup trop de souvenirs douloureux. Bah maintenant tu le sais. continua-t-elle avant de prendre place autour de la table. Elle sortit ses affaires et demanda à sa nouvelle amie qui semblait observer sa maison avec un drôle d'air. Il nous reste quoi à faire?

C'est à ce moment-là que la petite fille déboula de nouveau, empêchant alors la Gautier de répondre à la Turenko.

- On mange quoi ce soir?
- Des épinards et du poisson? demanda Juliette avec un sourire complice et un ton entendu.
- Ouais ! s'exclama alors la petite fille en sautillant. Moi je veux quatre fromages !

Sur le coup, Évangéline fronça les sourcils puis, finalement, se mis à rire.

- Tiens regarde il nous reste ça. fit Evy en étalant ses différentes notes, elle fut encore une fois interrompue, cette fois ci par le bruit d'une voiture Ça serait pas ta maman ça ?

Juliette se retourna vivement à l'entente du bruit d'un moteur qui termina par se couper. Elle soupira très fort avant de se lever afin de... afin de... Elle ne savait pas vraiment, en fait. Elle ne souhaitait juste pas que sa mère rencontre Evy. Elle ne souhaitait présenter sa mère à personne, de toute façon... Ils étaient déjà bien assez à connaître Ines, savoir comment elle était et comment elle n'était pas. Cependant, elle ne pouvait rien faire, pas esquiver. Le bruit des clés qui entrent dans la serrure puis la porte qui s'ouvre se fit entendre. Sophia quitta alors la cuisine en trombes tout en hurlant:

- Mămicaaaaa !
- Draga mea mică ! Am terminat să lucrez mai devreme astăzi. Ești fericit? demanda la mère de famille dans sa langue maternelle, langue dans laquelle elle communiquait la plupart du temps à la maison.
- Da ! s'exclama l'enfant en sautant dans les bras de sa mère qui la câlina avant de bien vite la reposer.

- Je vais dire bonjour à sa maman et on s'y met. annonça la Gautier

La jeune fille ne laissa pas à Juliette le temps de lui répondre. La voilà face à Ines avec un grand sourire.

- Bonjour ! lança-t'elle simplement

- Poate putem viziona un film toate trei? proposa Ines à Sophia avant de tomber nez à nez avec une personne inconnue au bataillon.

La mère de famille fut quelque peu surprise. Il était vrai qu'elle n'avait pas l'habitude de voir sa fille aînée inviter du monde chez elles, la plupart du temps, c'était elle qui allait chez les autres. Et puis, la Rochera-Turenko travaillait beaucoup, elle n'était pas souvent là aussi tôt. Finalement, elle connaissait bien peu d'amis de sa fille. Même de nom, ce n'était pas tout à fait ça. Elle afficha un sourire à cette jeune fille qui avait la politesse de venir lui dire bonjour et repassa en français pour s'adresser à elle.

- Oh bonjour !

Juliette, qui n'avait pas pu retenir Evy, arriva derrière son amie et lança à sa mère:

- De ce te-ai întors atât de devreme?
- Am avut mai puțină muncă decât de obicei.
- Pentru că niciodată una dintre prietenele tale nu a vrut să iasă, așa că ți-ai amintit că ai două fete? interrogea l'adolescente avec un regard noir, sur le ton du reproche.
- Prefer să mă prefac că nu am auzit. répondit Ines en lançant un regard froid à sa fille avant de, comme par magie, redevenir toute douce tandis qu'elle repassait dans un français ponctué d'un fort accent roumain. Tu ne me présentes pas ton amie, Diana?
- Elle s'appelle Evy, elle est là pour qu'on bosse. D'ailleurs on va y retourner, hein. T'as qu'à faire faire ses devoirs à Sophia, pour une fois.

Sans pouvoir dire quoi que ce soit, la jeune fille se retrouva emportée à nouveau dans la cuisine. Elle s'assit sur la chaise et fixa Juliette.

- Tu t'appelle Diana ?! demanda-t'elle avec de grands yeux, mais d'où sortait encore ce nom ?

Juliette regarda son amie qui semblait dubitative, complètement perdue... Super... Déjà qu'elle devait présenter sa mère qui comme par hasard était là alors qu'elle n'était jamais là, voilà que celle-ci l'appelait Diana. N'aurait-elle pas pu songer à l'appeler Juliette? Et non, voilà que la Turenko dévoilait une parcelle de sa vie qu'elle aurait préféré garder secrète et qu'elle allait devoir l'expliquer, en plus de ça. Enfin, l'expliquer... Elle n'allait sûrement pas tout dire. Dire une demie-vérité. Balancer une explication cohérente qui allait sûrement satisfaire la Gautier. Elle soupira.

- Oui. Enfin... non. Enfin... On peut dire ça. Elle se stoppa quelques secondes pour regarder Evangéline qui avait vraiment l'air de ne rien comprendre. En fait c'est mon deuxième prénom, à la base, mais pour ma famille c'est devenu le premier car il est roumain donc c'est plus facile que Juliette. Du coup ma mère a pris cette habitude aussi. Et... voilà.

- Oh ça je connais. Ma mère aimait mon prénom mais elle a mis cinquante ans à réussir à le prononcer. commença à expliquer Evy Bon ! On s'y met ?

Elle commença à regarder ses différents fiches, elle avait un peu envie de discuter mais, en même temps, elle voulait finir ses devoirs au plus vite.

- C'est ton père qui l'a choisi du coup? demanda Juliette qui, de son côté, n'avait pas du tout envie de travailler.

Elle sortit elle aussi ce dont elles avaient besoin pour travailler puis, sans même s'en rendre compte, fit une confidence à sa nouvelle amie.

- On m'a même déjà demandé pourquoi j'inversais pas mon premier et mon deuxième prénom.

- Et encore j'ai de la chance ! Ma tante s'appelle Marie-Clémentine. Enfin, elle a deux ans de plus qui moi c'est ma cousine plus que ma tante mais ce qui est sûr c'est qu'Évangéline ça passe crème. Et sinon, je trouve ça cool ça fait un peu comme si Diana c'était ton identité secrète.

Une fois sa petite histoire terminée, Évangéline décida de travailler pour de bon. Après environ une heure et demi, elles avaient enfin terminé leur exposé. La Gautier rentra donc chez elle, prête à passer devant la classe le lendemain.