Pamela était crevée, physiquement et moralement. Elle oubliait son nouveau dégoût de la gente masculine en allant travailler. Mais s'usait la santé, debout toute la journée à gérer sa boutique qui ne désemplissait pas grâce à la saison touristique. Elle avait bien l'aide de sa nouvelle coéquipière, Emilia, mais des fois cela ne suffisait pas. Car elle aussi commençait à fatiguer. Il fallait dire qu'en plus de s'activer dans l'échoppe de la Haylie, la Smith gérait aussi les peines, les crises, les angoisses de celle-ci. Pourtant elle le faisait avec le sourire. Heureuse d'être à Bluebell, aux côtés de la belle blonde et non dans sa Californie natale avec ses parents et son frère devenu, selon elle, complètement con. Et puis, en plus de cela, il fallait être honnête, la plupart de leurs nuits étaient courtes et/ou agitées.
Le temps libre qui lui restait, Pamela le passait à se plaindre de Dereck mais aussi de Justine dont elle n'avait toujours pas digéré les paroles si dures et si violentes. Elle en trouvait des oreilles attentives: Janessa, Elena, sa mère, Christy, Sarah mais surtout Emilia qui ne manquait pas d'aller dans son sens et qui ne défendait jamais son grand-frère. Doucement mais sûrement, la haine et la tristesse que la Haylie avait dans son coeur commençaient à se dissiper.
Ce soir-là, elle était conviée chez la jumelle de celle qu'elle ne voulait plus voir. Elle avait d'ailleurs entendu par Eléonore et Janessa qu'Antoine avait eu un accident, mais n'avait, égoïstement, pas chercher à en savoir plus. Elle ne voulait pas soutenir une soeur qui ne l'avait pas soutenue. En se rendant chez Elena, elle comptait prendre quelques nouvelles du pauvre Lafaye en toute discrétion mais il ne fallait tout de même pas compter sur elle pour aller le voir à l'hôpital !
Une cigarette entre les lèvres, l'italienne et l'américaine roulaient en direction du domicile des Baylor, bien qu'elles auraient préféré se poser l'une contre l'autre sur le canapé à manger des chips après cette longue journée de boulot. C'est Emilia qui conduisait, Pamela lui laissant le volant aisément depuis leur arrivée. Elle ne savait pas encore vraiment où elle allait mais le GPS vivant qu'était sa copine lui permit d'arriver bien vite et sans encombre. 25 min après la fermeture de la boutique, précisément. Alors elles sortirent du véhicule, jetèrent leurs mégots dans le caniveau et s'avancèrent vers le portail avant de bailler l'une après l'autre. Ces choses là sont contagieuses.

Elena alla rapidement ouvrir la porte. À vrai dire, elle ne savait pas qui se trouvait derrière la porte. Justine ne devait pas tarder à rentrer, Pamela avait fini le travail il y a peu, elle pouvait arriver d'un instant à l'autre. Il en était de même pour Carl qui venait de reprendre le travail. Lorsqu'elle entre-bailla la porte, elle fit un grand sourire aux deux femmes se trouvant derrière.

- Coucou !

Les deux jeunes femmes, dont les cernes étaient masquées par une certaine quantité de maquillage, s'efforcèrent de sourire. Ce n'était pas contre Elena, elles étaient plutôt heureuses de la voir. Mais son visage ne pouvait rappeler que celui de Justine à Pamela. Et ça, cela ne lui faisait pas plaisir.
Elles s'avancèrent et alors que l'italienne fit la bise à son aînée, Emilia, qui n'arrivait pas à changer ses habitudes américaines (en même temps elle n'était pas là depuis longtemps), lui fit un hug. Elle ne comprenait pas encore l'intérêt de la bise française, elle trouvait cela bizarre.

- Bonjour ! fit la plus jeune avec son accent que la deuxième trouvait craquant.
- Salut ! On ne va peut-être pas rester longtemps. Désolée. prévint la benjamine Haylie.

Le sourire d'Elena s'estompe légèrement, elle espérait vraiment pouvoir calmer les tensions entre ses deux soeurs et ne craignait de ne pas en avoir le temps...

- Oh... euh... c'est pas grave. Mais pourquoi ?

- On est crevées. Franchement on s'excuse de venir juste pour bouffer et de partir après mais les journées sont longues et les nuits courtes.
indiqua Pamela aidées par les hochements de tête de la belle américaine.

- Bah vous foutez quoi la nuit comme ça ? Mais on va pas tarder à passer à table t'inquiète pas. indiqua la blonde qui attendait le retour de sa jumelle et de son époux

Les deux jeunes femmes se regardèrent puis haussèrent les épaules à l'unisson. Puis Pamela proposa, comme si elle était chez elle, de ne pas rester sur le pas de la porte.

Elena regarda étrangement sa soeur et Emilia avant de se décaler pour les laisser entrer. Avant qu'elle ait le temps de dire quoi que ce soit, les jumeaux Lafaye débarquèrent face aux trois femmes.

- Tata Mela ! Emma, Melle et Zoé elles sont cachées ! Et nous on trouve pas !
- Oui ! ajouta Evan avant de porter son regard sur Emilia. Il ne la connaissait pas T'appelle comment toi ? continua le garçonnet avec un petit sourire angélique

En voyant les deux enfants arriver, Emilia reconnut aisément Alyssa, fille de l'ennemie, et conclut bien vite que le deuxième devait être son frère, au point de vue de leur grande ressemblance. Dans la bouche des bambins elle entendit parler de trois autres gosses aux noms inconnus à part Zoé qu'elle avait vue une fois lors de son dernier séjour. Elle aussi était la fille de Justine, elle s'en souvenait. Elle se demandait combien de marmots se trouvaient dans cette maison et pourquoi il y avait aussi les gosses de ceux que Pamela ne voulait plus voir. Elle afficha pourtant son sourire à enfants et se pencha vers le petit bout de chou.

- Je m'appelle Emilia et toi comment tu t'appelles?

- Tu gardes les enfants de Justine? demanda Pamela avec un ton mi figue mi raisin.

- Evan ! répondit le petit garçon
Elena ne répondit que par un hochement de tête, préférant éviter la discussion pour le moment.

- Installez vous je vous apporte à boire.

Alors qu'Elena se dirigeait vers la cuisine, la porte d'entrée s'ouvrit.

- Chérie on est rentrés ! lança Carl
- On ?
- Ouais j'ai croisé Justine et les enfants !

Arthur déboula dans le salon. Il s'arrêta en voyant les deux femmes et leur fit un sourire avant de courir vers Pamela.

La Smith signifia au garçonnet qu'il avait un très joli prénom, puis suivit l'invitation de la Baylor en prenant place sur le sofa, à côté de Pamela qui sentait le mauvais plan arriver à plein nez et qui n'aimait pas ça du tout. Déjà, elle se renfrognait, mais quand elle comprit que Justine venait d'arriver avec le canadien, elle se leva d'un bond, attrapant la main de la belle américaine en pleine discussion incompréhensible avec Evan et lui annonça dans la langue de Shakespeare:

- We leave. Now.
- Why? demanda la fille de Maria, n'ayant pas compris ce qui était en train de se passer.
- It's a trap. Justine is here. répondit doucement Pamela se dirigeant vers l'entrée en tirant sa copine avant d'hurler, Elena tu ne vaux pas mieux qu'elle !

Cependant, les deux jeunes femmes furent stopper net par un bonhomme qui se posta devant l'italienne en tendant les bras. Celle-ci, qui n'avait rien contre les enfants Lafaye mais seulement contre leur mère, ne put se résoudre à passer devant lui comme si de rien n'était. Alors elle lâcha la main frêle qu'elle tenait depuis quelques secondes et se pencha vers le môme pour le prendre quelques instants dans ses bras.

Arthur mit son pouce dans sa bouche et posa sa tête sur l'épaule de Pamela, bien décidé à rester dans les bras de cette dernière. Elena arriva dans la pièce au même moment et déposa les boissons sur la table.

- Je vaux pas mieux qu'elle... répéta l'aînée de la famille Haylie en ricanant Ça va j'ai pas essayé de vous tuer non plus !
- Ouais bah t'aurais pu me prévenir quand même ! intervint alors la jumelle d'Elena qui entrait dans la pièce, le fils Baylor dans les bras
- Pourquoi t'aurais ramené du champagne ? Tu dors chez moi de toute façon j'ai le droit d'inviter ma soeur.
- Non mais... commença la Lafaye avant de se rendre compte qu'elle n'avait rien à dire. Elle s'assit sur une chaise en soupirant et décida de jouer avec son neveu qu'elle avait toujours auprès d'elle.

Pamela soupira, il y avait de la colère dans son coeur et cela se voyait dans son regard. Pourtant elle décida de se rasseoir. Car elle avait faim et qu'elle avait un gosse collant dans les bras. Alors qu'Emilia reprit place sur le canapé, l'italienne prévient qu'à la première remarque, elle rentrerai chez elle et ne reviendrai pas de sitôt.

- Oh bah si tu veux mais bon courage pour te décoller d'Arthur. affirma Elena d'un petit rire Bon à table ! Elles sont où les filles ?
- On est là ! lança Zoé accompagnée de sa soeur et de sa cousine

- T'inquiète pas que si j'ai envie de partir j'y arriverai. marmonna Pamela en posant l'enfant par terre avant de se diriger vers la table avec son amie qui ne savait pas comment réagir face à cet événement.

Les deux jeunes filles prirent place l'une en face de l'autre et se regardèrent dans le blanc des yeux.

Arthur, mécontent d'avoir été abandonné par sa tante, commença à chouiner en suivant Pamela.

- Arthur laisse Tata tranquille tu vas pas manger sur ses genoux non plus ! ordonna rapidement Justine qui ne souhaitait pas gérer un caprice de son fils
- Viens à côté de Tata Elena mon petit chou ! intervint l'autre blonde en prenant son neveu dans ses bras Alors comment il va Antoine ?
- Bah il va pas bien il est toujours dans le coma je sais pas quand est ce que ça ira mieux ! Il voulait seulement se balader et voilà où on en est...

- Il n'avait pas qu'à traîner dans un quartier qui craint vu qu'il ne sait pas se défendre, aussi... tacla Pamela qui avait entendu par sa mère et Janessa ce qui était arrivé à son beau-frère. Elle n'avait pas envie de ménager sa soeur.

Justine se redressa d'un bond sur sa chaise. Carl et Elena se regardèrent en étouffant un fou rire, si Pamela avait raison, elle n'avait pas mâché ses mots et le couple ne put s'empêcher de rire.

- Mais ton quartier qui craint là, il y serait jamais allé sans toi ! On serait resté tous les deux, je me serais jamais énervée comme je l'ai fait ! En fait tout ça c'est à cause de toi. Ouais à cause de toi et personne d'autre, ou alors peut être Barbara aussi qui a pas arrangé les choses ! répliqua la blonde alors que des larmes commençaient à dévaler ses joues
- Justine mais qu'est ce que tu raconte encore ?
- C'est à Pamela que je parle !
- Ouais bah là c'est Elena qui te parle et tu vas m'écouter parce que là t'es en plein délire tu dis n'importe quoi et si je vous ai fait venir là c'est pas pour vous voir vous taper dessus c'est pour que vous vous calmiez alors tu commence pas à raconter tes bêtises faut dormir la nuit plutôt que de pleurnicher ça arrangera rien de toute façon. s'impatienta la Baylor qui ne souhaitait pas voir ses deux sœurs se disputer éternellement

- Je ne te conseille pas de t'aventurer sur ce terrain là, Justine. Je peux vous tenir responsable, vous deux de choses bien plus grave ! lâcha froidement Pamela. Et ne mêle pas Emilia à ça, je t'en remercie.

- Comme la mort de Maxime ?
- Justine ! s'écria alors Elena qui savait que sa jumelle venait de toucher une corde sensible
- Tu crois qu'il a deviné qu'il allait avoir un accident ? Tu crois qu'Antoine s'est dit "oh bah tiens je vais dire à Pamela de ne pas décrocher son téléphone pour que son petit ami crève dans un accident" ? Bah non il s'est pas dit ça ! Il pouvait pas deviner ça aurait très bien pu arriver alors que t'étais assise devant la télé ou à la piscine ou n'importe où. Tout ça parce que t'as jamais accepté sa mort t'as tout mis sur le dos d'Antoine et lui cet imbécile il culpabilise juste parce qu'il te considérait comme sa petite soeur et toi tu l'as descendu comme ça d'un coup juste pour un concours de circonstance ! Tu te rends pas compte que tout ce qu'il fait pour toi c'est parce qu'il tient à toi et qu'il veut que tu le pardonne ? Et toi tu l'envoyais balader sans même y prêter attention. Tu peux parler de moi ça oui mais t'es loin d'être mieux.
- Si vous continuez je vous fiche une claque. indiqua la blonde qui peinait à garder son calme

Justine ne répondit pas à Elena, les larmes s'accumulaient le long de ses joues, elle était habituée à refouler ses émotions face à ses enfants, mais tout ce qu'elle ressentait agissait comme un feu d'artifice qu'elle ne pouvait alors qu'extérioriser.

Cela aurait été Janessa face à Justine, la Lafaye se serait pris un des fameux coups de poing dans le nez de la Haylie. Pourtant, Pamela n'était pas Janessa, et sa réaction fut tout autre. Le rappel de cet événement traumatisant la fit trembler. Littéralement, son premier sanglot, coincé au milieu de sa gorge lui provoqua milles frissons. Sûrement à cause de la haine qui l'envahissait à ce moment-là. Son coeur s'emballait alors que les premières larmes coulaient sur ses joues. Elle ne réussissait pas à lâcher les 20 000 insultes qu'elle avait en tête. La culpabilité dansait devant elle. Le dernier message vocal de Maxime chantait près de ses oreilles. Son ancienne impossibilité à dire non se jouait d'elle, alors que c'était à cause de ça que l'homme qu'elle aimait avait eu sont accident. L'image de son amour, encore adolescent, toujours adolescent, volait devant ses yeux alors que les paroles de Justine se firent lointaine. Alors elle se leva, attrapa son manteau et sortit en courant. Elle n'en pouvait plus, s'en était trop. Elle claqua la porte si fortement qu'un vase tomba. Il se brisa au sol et ses tout petits morceaux recouvrirent le sol du hall, empêchant quiconque d’y marcher pieds nus pour au moins la semaine à venir.

Les larmes de Justine s'intensifiait, se rendant peu à peu compte de la méchanceté de ses paroles. Elle se réfugie dans le jardin, aucun des enfants n'osait bouger. Elena se leva à son tour, elle prit les premières chaussures qu'elle trouva et sorti pour rejoindre sa petite soeur.
- Pamela ? demanda timidement la blonde

- Laisse-moi tranquille ! hurla la jeune femme alors que l'américaine venait d'arriver en courant. L'italienne se laissa tomber dans les bras de la Smith sans parvenir à sécher ses larmes.

- Ah non ! T'as cru que j'étais ta femme de ménage je te laisse pas "tranquille si t'es dans cet état. Je reste avec toi même si tu veux pas. affirma la blonde en croisant les bras
En réalité, c'était la jalousie d'Elena qui lui disait de rester. Il est vrai qu'elle ne supportait pas le fait de voir sa sœur dans cet état, mais elle n'aimait encore moins le fait que Pamela accepte la présence de l'américaine et non la sienne. De toute façon, elle ne dirait rien, sachant très bien que c'était inutile et puérile. Elle s'assit à même le sol, près des deux jeunes femmes, les regardant en attendant de pouvoir faire quelque chose.